Clément Viktorovitch : "La gauche doit s'emparer de la rhétorique, véritable outil politique"
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 Published On Apr 22, 2024

A l’heure de l’image et du tout-numérique, les mots conservent leur pouvoir. La droite et l’extrême droite l’ont bien compris. Depuis plusieurs années, leurs porte-parole créent des mots flous, des mots-valises, des concepts creux pour faire passer des idées politiques ou chacun peut y trouver son compte. La manipulation constante de la peur – comme dans les discours sur l’immigration – peut priver une foule de sa capacité critique. D’où aussi, un sentiment diffus qui s’installe, l’impression que les mots n’ont plus de sens, qu’ils sont utilisés pour une chose et son contraire.

Car les mots peuvent devenir un instrument de domination, et ne pas les maîtriser peut conduire à se faire imposer une pensée. Clément Viktorovitch appelle donc à une éducation à la rhétorique, afin qu’elle soit une arme commune, dont chacun puisse se saisir. Selon lui, la gauche doit s’emparer de cet outil, en créant des mots, des notions qui portent un sens et qui redonnent toutes ses couleurs au débat démocratique. La maîtrise des mots demeurant la meilleure porte d’entrée en politique.

Le docteur en science politique alerte ainsi sur les enjeux de luttes sémantiques, en particulier autour de l’idée de « République ». La droite s’appropriant ce terme pour pouvoir mieux dénoncer ceux qui, à ses yeux, l’auraient trahie. Il en va de même, avec des mots « épouvantails », comme le concept flou de « wokisme » agité comme une menace, qui n’est utilisé que pour le placarder sur des adversaires et les renvoyer à une image péjorative. La force des conservateurs ayant été, en utilisant à répétition le terme de « wokisme », de lui avoir donné un sens qu’il n’a pas au départ.

Pour donner la possibilité à tout citoyen de mieux décrypter les discours politiques, Clément Viktorovitch propose d’inscrire l’enseignement dans le cursus scolaire. Il plaide pour une année de rhétorique dans l’année de classe de première dans toutes les filières. Une année qui permettrait aux lycéennes et aux lycéens de repérer les sophismes, l’utilisation saturante des émotions, les concepts faussement mobilisateurs, ou les arguments d’autorité. Avec cet enseignement, les plus jeunes apprendraient à produire leur discours, à argumenter leur pensée, à défendre efficacement leurs points de vue. Encore faudrait-il qu’un pouvoir politique accepte de former des citoyens pour leur permettre ensuite de le critiquer…

◗ ON N’A PAS TOUT ESSAYÉ est un podcast proposé par « le Nouvel Obs », produit par Lacmé Production.

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